L’histoire du sauvageon impressionne.
Dès sa naissance, toutes ses énergies se concentrent sur son système de défense. Les prédateurs sont nombreux mais ils n’ont qu’à bien se tenir, car l’approche du sauvageon ne se fait qu’avec grande prudence. Il adopte la stratégie arbustive, qui consiste à multiplier les troncs afin de protéger la tige principale. Son armée de rejetons et ses multiples aiguilles forment un espace pratiquement infranchissable. La victoire ne sera acquise qu’une décennie après sa naissance. Laissée à eux-mêmes, leur défense ne fera que s’enrichir en nombre. L’observation de cette victoire nous révèle une autre leçon de la nature et de la vie.
Après une formation en technique du génie civil et quelques années de pratique, une évidence se précisait. Je ne voulais pas recouvrir la terre d’asphalte. C’est à l’âge de 23 ans que j’annonçai à mon père que je prenais ma retraite. Ce qui le fit rire aux éclats. Le constat était simple. Les gens travaillent toute leur vie, pour finir par s’adonner au jardinage à leur retraite. Je décidai tout simplement de sauter quelques étapes.
Notre histoire horticole a commencé dans les années 70.
C’est la fin d’une époque. Un vent de changement souffle sur notre génération. Pour Sylvie et moi, c’est le « Retour à terre ». Une proportion marginale de notre génération rêve de changer le monde. La nostalgie des temps passés s’empare et inspire nos esprits. La poursuite des idéaux autarciques guide nos actions.
Bien sûr, la dure réalité aura raison de plusieurs.
La production de légumes de serre occupa les cinq premières années. Inutile de vous dire combien nous avons travaillé à planifier, organiser, optimiser, fertiliser et traiter sans réel succès. Nos sols sont devenus inertes, brulés … finis. Le bilan s’imposa comme non rentable.
Progressivement, nous avons réorienté nos activités vers l’horticulture ornementale. C’est la période « Centre de jardin ». Les services de conception, de réalisation et d’entretien d’aménagement paysager nous ont permis de bâtir une clientèle importante et très fidèle. Très vite, nous avons réalisé que le choix du végétal au bon endroit était crucial. Malgré la dimension d’entreprise familiale, cette fois nos efforts de planification, d’organisation, d’optimisation, doublés d’une approche moins interventionniste, se sont avérés viables.
Plus de quarante années en contact avec le monde végétal et la nature, nous ont apporté de grands bonheurs.
Pendant ce temps, nous avons négligé nos champs. La nature avait repris ses droits.
En 2015, devant ce fouillis chaotique d’arbustes et d’arbres, nous avons découvert plusieurs pommiers, pimbinas, amélanchiers, etc… Après un débroussaillage sélectif, protégeant le plus de variétés possibles, nous avons dégagé plus de 550 pommiers, tous sauvageons, sur une surface d’environ 7 hectares. À notre connaissance, c’est probablement un des plus grands « verger biodiversifié » composé de sauvageons au Québec. C’est une banque génétique patrimoniale inestimable. Tout est là, pour un projet de permaculture basé sur des récoltes sauvages.
Nous accueillons comme un cadeau, la plus belle leçon d’horticulture que la vie nous a donnée.
« Planification, organisation ou optimisation » oui mais quelques fois, il s’agit d’observer et de contempler. Agir ou ne pas agir en tout respect et au service de la vie, demeure la meilleure option.
La vie sur cette terre n’est pas banale. Mystérieuse, imprévisible, surprenante, la vie semble suivre l’ordre harmonieux d’une évolution chaotique. C’est quand même fantastique. Cette évolution toute en souplesse multiplie les options et sécurise la pérennité des espèces. Pour ce projet, la biodiversité est notre meilleur alliée.
Aujourd’hui, il est temps d’associer les prochaines générations. Un projet cidricole est en fermentation. Bienvenue Simon ! Je connais les valeurs qui t’animent. Pour nous, ta collaboration est un autre rêve qui se réalise.