Salut à toi vieux pommier!
Que tes bourgeons fleurissent, qu’ils grossissent!
Et que tes branches portent quantité de fruits!
Chapeaux pleins, mains pleines!
Minots, minots, sacs remplis!
Et mes poches pleines aussi! Hourra!
Traduction libre tiré de Wild Apples de Henry David Thoreau.
La roue du temps qui tourne nous ramène allègrement vers l’automne. Les journées raccourcissent, les fruits grossissent et on ne peut pas se tromper, il y aura encore un hiver cette année. Je vous offre ici un petit retour en arrière sur la saison de récolte 2021 ainsi qu’un petit guide du chasseur de pommes !
Automne 2021
Alors que mes parents complétaient une circumnavigation de Terre-Neuve en voilier (et oui, ça mérite une tape dans le dos et une ou deux bouteilles de cidre), les pommiers eux se déchargeaient plutôt rapidement de leurs fruits. Ce fut un automne chaud et ce fut sec, très sec. C’est joli mais les fruits eux tombent rapidement. C’est peut-être un réflexe des pommiers par souci de conservation hydrique mais la récolte fut hâtive et les fruits se sont gâtés très rapidement. Par manque de disponibilité de cueilleurs et sans chambre froide, on a perdu plusieurs pommes surtout en première saison de récolte (mi-août). Belle leçon pour les pomiculteurs sauvageons! En choisissant de travailler avec des pommes issues de sauvageons, disons qu’on ne joue pas selon les mêmes règles que les producteurs conventionnels. Cette fameuse McIntosh et sa parenté ont des capacités de conservation qui défient les lois de la nature. Ce sont des Formule 1 de la conservation. En conjonction avec des chambres froides ultra-sophistiquées où on aseptise et contrôle la composition de l’air et l’humidité, l’industrie est maintenant capable de conserver des pommes sur une échelle de temps qui se rapproche tranquillement de la momification. Avec les sauvageons, c’est tout le contraire. Ces petites pommes pleines de tanins, de polyphénols, très sucrées pour la plupart et qui sont loin d’avoir une peau de type « annonce de crème pour le visage » se gâtent très rapidement. C’était peut-être particulier cette année-là avec la chaleur automnale mais la récolte de ces pommes demandera du tact et de la stratégie.
Parlant de stratégie, il semblerait qu’une des clés de la récolte en milieu sauvage soit de conserver les pommes aux champs le plus longtemps possible. Ces pommes tombent sur le sol, à l’ombre, sur une couche d’herbes fraîches qui laisse un joli espace d’air contrairement à la mise en minot qui entasse les pommes et réduit la circulation d’air. Ça reste à déterminer car ça dépend de l’état des fruits au sol (plusieurs pommiers sauvages ont plutôt un champ de roches au pied et les pommes s’abîment en tombant). C’est une des tâches que les pomiculteurs sauvageons auront à accomplir: construire un beau petit nid douillet d’herbe douce pour que les pommes atteignent le sol comme sur un nuage de ouate (sans exagérer bien sûr).
Car la pomme qui tombe par elle-même est la meilleure pour le cidre. Par contre, certaines pommes semblent in sécures, bien accrochées à leur maman branche et doivent être secouées (petite pomme, n’aie pas peur de prendre ton envol!). Voici notre méthode de récolte pour les grands-parents pommiers:
Matériel nécessaire :
- Filet, bâche ou autre textile d’assez grande surface qui servira à réduire le choc émotif des pommes et les rassembler par la suite.
- Poche de style sac d’oignons, chaudière de 5 gallons, minot traditionnel ou tout autre contenant qui servira à transporter et entreposer les pommes. Idéalement pas trop gros pour le poids et qui offre une bonne ventilation sans pour autant laisser les petites pommes s’enfuir.
- Une corde ou une courroie d’environ 40pi avec un poids fixé en son bout (dite la technique à Jacques). Explications à suivre.
- Un crochet de style gaffe de voileux avec un manche télescopique pour atteindre les pommes trop hautes qui ont le vertige et qui ne veulent décidément pas faire le grand saut (ah si les pommes avaient des ailes!)
- Petite scie à main, sécateur, machette ou débroussailleuse à gaz pour dégager le dessous de l’arbre et faciliter la récolte. Si vous y retournez à chaque année, cette étape sera de plus en plus facile.
- Un carnet de note pour identifier l’arbre, goûter la pomme, noter les arômes, la sucrosité, la quantité récoltée et pour être sûr de ne pas laisser filer une inspiration poétique qui passerait par là.
- Idéalement un réfractomètre pour mesurer la sucrosité question d’avoir un suivi et une indication sur le niveau de maturité.
- Une armée de petits enfants pour ramasser les pommes. Le truc est de leur faire croire que ce n’est pas un TRAVAIL mais un JEU. Une fois que l’idée est bien implantée dans leurs têtes, laisser macérer et profitez. Si vous n’en avez pas sous la main, c’est quand même beaucoup de temps et d’énergie pour les élever et les amener à un niveau adéquat. Dans ce cas, mieux vaut ramasser les pommes soi-même. Si vous en avez, utilisez des amis;)
- Des lunettes de sécurité (ou de soleil) peuvent être une très bonne idée. Si vous êtes le « secoueux », vous aurez à traverser une forêt de petites branches potentiellement blessantes pour les yeux. Il faut faire attention!
L’important est de bien étendre son filet! De cette façon, on optimise la récolte au maximum. Pour notre part, nous avions un filet pour ombrager les serres. Il s’agit d’un filet d’environ 100pi par 40pi que nous avons coupé en 2 sur le sens transversal pour finalement avoir un filet de 50pi x 80pi. Nous l’avons ensuite cousu sur la longitudinale jusqu’à la moitié de façon à laisser une ouverture.
Cela nous permet de glisser le filet autour du tronc et d’ainsi pouvoir couvrir entièrement l’équivalent de la canopée. On peut être plusieurs à tenir son coin ou sinon, un bon système de cordage fera très bien l’affaire. L’idée, c’est de jouer à l’araignée qui tisse sa toile, sauf que nous, ce sont les pommes que l’on veut!
Après, c’est le secouage! Mais attention, il faut quand même être doux. Un secouage avec un tracteur ou un autre outil herculéen peut endommager le point d’attache avec les racines. Alors pour ma part, je grimpe dans l’arbre et je secoue chaque branche vigoureusement. C’est du sport mais le degré de satisfaction que l’on peut ressentir lorsqu’une grosse branche remplie de pommes se déverse est immense! Alors on secoue jusqu’à ce que le gros des pommes soit tombé. Pour les récalcitrantes, c’est le temps de sortir les petits outils à mains. La gaffe télescopique, (grand pôle avec un crochet au bout), nous aide à décrocher les pommes en hauteur. Ensuite, on jette les enfants dans l’arène et on se repose à l’ombre jusqu’à ce que le travail se complète magiquement. Ensuite, on se recueille sous l’arbre dans un hamac question de lui rendre hommage et de ne pas l’offusquer par nos vils desseins mercantiles.
La méthode de l’oncle Jacques
Il y a aussi la méthode très astucieuse de mon oncle Jacques. Il s’agit de s’armer d’une corde d’environ 40 pieds au bout duquel on attache un poids (brique, pierre ou bout d’acier). On jette ensuite le bout lesté par-dessus la branche que l’on veut récolter. On rassemble ensuite les 2 bouts de la corde et on peut ainsi secouer la branche en toute sécurité. Assurez-vous de vous écarter de la zone où l’on jette la corde lestée pour ne pas tomber dans les pommes! Il peut être aussi gentil pour le pommier d’utiliser une corde d’un certain diamètre pour ne pas entamer et endommager l’écorce fragile.
Bon glanage! Bonne récolte!